Gedan baraï

Nous allons commencer la description de quelques techniques de base du Karaté Shotokaï tel qu’il est pratiqué dans l’association Shotokaï Europe.

Pour chaque technique nous proposons plusieurs façons de faire en suivant une progression. Nous avons en effet adopté un enseignement en spirale et non pas linéaire. Dans celui-ci nous proposons plusieurs façons de faire à chaque fois plus complexes pour la même technique. Cela n’a rien de révolutionnaire. Même l’éducation nationale procède ainsi. Les mathématiques enseignées en terminale ne sont pas les mêmes qu’en sixième.

Dans un enseignement linéaire, on propose toujours la même façon de faire, seul le niveau d’exécution est sensé évoluer avec les années. C’est donc une méthode plus simple à enseigner, vous répétez toujours la même chose. Cela correspond bien à un enseignement fondé sur la répétition, pédagogie préférée des Japonais mais c’est aussi le moins efficace. Répéter un mouvement incorrect, et celui-ci est toujours incorrect au début, favorise l’acquisition de défauts.

Il est préférable de solliciter l’intelligence et la compréhension plutôt que la répétition pour l’apprentissage des mouvements. La répétition sera utile dans un second temps pour peaufiner l’exécution et acquérir une parfaite coordination.

Si un élève répétait pendant toute sa scolarité le programme de mathématique de sixième il le connaîtra parfaitement six ans plus tard, mais saura-t-il résoudre des équations compliquées?

Nous allons donc vous proposer trois niveaux d’exécution de gedan barai:

1er Niveau


Pour ce 1er niveau qui est celui du débutant nous allons insister sur deux points.

1er point – la coordination du pied et du poing

Cela signifie que la défense, le contact de l’attaque et de la défense se fera au moment où vous posez le pied avant de zenkutsu.

2ème point – coordination du bras et de l’avant-bras.

Le bras et l’avant-bras doivent commencer et finir leur mouvement ensemble et non pas bouger l’un après l’autre.

A noter
– Les mouvements de bras et d’avant-bras ne doivent pas être terminés au moment de l’impact. Le bras aura donc une forme arrondie au moment du contact.
– A ce niveau le corps et le bras bougent ensemble. Nous n’attendons pas que le gedan barai soit arrivé avant d’avancer le corps. Ceci pour ne pas apprendre à bouger une partie (le bras) sans bouger le corps.
– On aurait pu ajouter la coordination avec hikite. Les deux bras bougent ensemble coordonnés avec le pied.

2ème Niveau


A ce que l’on aura appris précédemment on ajoutera deux choses.

1. Continuité du mouvement du bras pour que le gedan barai se fasse en un seul temps.
2. Coordination de l’intention (ki) et du mouvement.

1. Continuité du mouvement.

La continuité du mouvement de bras dans gedan barai (et cela est vrai pour les autres techniques) ne pourra pas être obtenue si l’on exécute le mouvement dans deux directions opposées. Il existe des techniques pour supprimer le temps d’arrêt d’un mouvement exécuté dans deux directions opposées mais il nécessite un niveau plus avancé pour être abordé.

A ce stade la continuité pourra être facilement obtenue en faisant un mouvement circulaire sur un plan incliné.

2. Coordination du ki et du mouvement

Souvent on entend des expressions comme lancer le poing vers la hanche de l’attaquant. Ceci est une erreur.

Pour exécuter correctement gedan barai le mouvement de bras doit se faire latéralement, dans la direction de sa propre jambe arrière. C’est la jambe et donc le corps qui la suit qui va vers l’avant, vers le partenaire. Ceci bien sûr ne s’applique que pour ceux qui ont adopté le zenkutsu avec les hanches de profil tel qu’il est montré dans le livre de Maître Egami.

La force et la vitesse en Shotokaï découlent souvent de cette rotation des hanches dans les déplacements, mais celle-ci en fait aussi sa difficulté. Sans la compréhension de la relativité des mouvements de bras qui doivent être faits par rapport au corps, les techniques seront décalées et le plus souvent inefficaces. L’intention (ki) ne correspond pas au mouvement effectué réellement.

3ème Niveau


Là encore nous ajouterons deux éléments supplémentaires à ce que nous avons vu précédemment.

1. Ne pas pousser et ne pas mettre du poids sur la jambe d’appui (jambe arrière).
2. Coordination pied-poing-hara.

1. Ne pas pousser et ne pas mettre du poids sur la jambe d’appui (jambe arrière).

Pour faire Zenkutsu en partant de la position Shisentai, ne pas mettre de poids sur la jambe arrière (jambe gauche si on avance avec la jambe droite) permet d’exécuter un mouvement complexe combinant un déplacement avant-arrière et un déplacement haut-bas, différent d’un simple déplacement en diagonale. Bien sûr dans les deux cas nous obtiendrons une diagonale, de la position debout à la position zenkutsu. Mais dans un cas le mouvement se fait en diagonale dans l’autre c’est la résultante de deux mouvements. La vitesse et la puissance ainsi obtenues seront complètement différentes. Je comprends la perplexité de ceux qui n’ont aucune idée de musoku sans lequel tout ceci est difficilement compréhensible.

L’autre point souffrira du même inconvénient car il met en scène le hara et tout le monde n’en possède pas en parfait état de marche.

2. Coordination du mouvement de pied de poing et de ventre.

Tout Karatéka frappé d’une légère surcharge pondérale, chose fréquente après vingt ans de pratique, pense avoir un hara développé. Ce serait trop simple, il ne faut pas confondre gros ventre et hara.

Le hara est une notion dynamique, un mouvement interne qu’il faut coordonner aux autres mouvements. En fait, c’est lui le chef d’orchestre, c’est donc plutôt les autres mouvements qui doivent s’harmoniser avec lui. Le hara tout le monde en possède potentiellement un, mais celui-ci doit être réveillé. Il agira alors comme un turbo délivrant un surcroît de puissance à toutes les techniques.

A la coordination du pied et du poing en ajoutera donc un mouvement de hara qui augmentera considérablement la puissance de la défense. Seul le développement du hara et de la coordination permet d’avoir l’efficacité par la souplesse.

Le Shotokaï, qui trop souvent oscille entre pseudo-souplesse inefficace et contraction presque aussi inefficace, peut alors se rapprocher du Karaté souple et puissant voulu par Maître Egami.

Voici donc trois façons de faire gedan barai mais il en existe beaucoup d’autres. Le 1er niveau correspond à peu près au travail d’une Ceinture orange, le 2ième niveau à celui d’une 1er Kyu ou 1er Dan et la 3ième à celui d’un 3ième Dan.

© Copyright Patrick Herbert, directeur technique Shotokaï Europe, février 2004